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La belle époque du Théâtre du Bois de Coulonge  

Des milliers de festivaliers convergent vers le parc du Bois-de-Coulonge à l’occasion de la Superfrancofête en 1974. L’ancien lieu de résidence officielle du lieutenant-gouverneur du Québec qui accueille l’une des scènes du festival redevient, le temps d’un événement, l’un des plus importants lieux culturels de la capitale. Ce festival international de la jeunesse francophone attire l’attention d’un petit groupe de gens de Québec sur le parc du Bois-de-Coulonge. Les futurs partenaires cherchent un endroit pour créer un théâtre sous un chapiteau, non pas un « théâtre d’été, mais plutôt un théâtre en été. » Retour sur la naissance d’une tradition estivale qui a fait vibrer la vie culturelle de la capitale pendant 18 ans.  

Un théâtre face aux défis

Au terme d’une toute première saison, le quotidien Le Soleil rapporte, le 27 août 1977, que la dernière représentation de la pièce Les grands soleils de Jacques Ferron est présentée au parc du Bois-de-Coulonge. C’est un pari réussi pour le comédien et metteur en scène, Jean-Marie Lemieux. Il vient en effet de signer un bail de trois ans afin d’installer son théâtre près de l’érablière du parc du Bois-de-Coulonge, à deux pas des anciennes dépendances. 

L’idée d’organiser un festival de théâtre à Québec faisait son chemin depuis plusieurs années dans le milieu culturel de la capitale. Avant d’implanter un événement annuel toutefois, il fallait dénicher le lieu idéal. 

Le parc du Bois-de-Coulonge était l’endroit tout désigné. Laissé à l’abandon depuis l’incendie tragique de la villa et résidence principale en 1966, le parc avait besoin d’attention, d’entretien, et surtout, d’une nouvelle vocation. À l’époque, le gouvernement du Québec s’interroge lui-même sur l’avenir de l’ancienne châtellenie de Coulonge. Le projet de théâtre tombe à point. Les autorités politiques donnent ainsi le feu vert à l’implantation du futur théâtre dans un parc public.  

Pour la première année d’opération, la tente à structure tridimensionnelle démontable imaginée au départ pour abriter le théâtre est jugée trop coûteuse. L’équipe de production en place considère une option plus modeste en louant une tente temporaire utilisée autrefois pour les productions des émissions jeunesse de Radio-Canada.  

Cette première année d’existence est remplie de défis pour le théâtre qui doit opérer avec un budget modeste de 110 000 $. Une fois la location de la tente dûment payée, ainsi que les salaires versés aux comédiens et à l’équipe de production, le théâtre doit assurer une fréquentation moyenne de 200 spectateurs (sur une capacité de 500) par soir pour assurer sa rentabilité. Ce sera-là le défi le plus important de toute l’entreprise : y attirer des spectateurs soir après soir. 

Le théâtre du Bois-de-Coulonge, Bernard Vallée, Bibliothèque et Archives nationales du Québec,1978

Une production estivale différente

Le défi est grand, mais l’engouement l’est également. Pour les huit premières représentations, le Théâtre du Bois de Coulonge affiche une moyenne de 313 spectateurs chaque soir. La fin de semaine, les pièces sont présentées à guichets fermés. Il faut dire que, dans les années 1970, le théâtre d’été est très populaire au Québec. 

C’est un phénomène unique au monde. Les pièces de théâtre sont davantage courues en été au Québec qu’en pleine saison hivernale. Les comédiens se retrouvent sur les planches entre juin et septembre plus qu’à toute autre période de l’année.  

Oncle Vania, de Anton Tchekhov, mise en scène Alexandre Hausvater, Bibliothèque et Archives nationales du Québec,1982

Dès la création du Théâtre du Bois de Coulonge, les fondateurs souhaitent réinventer le monde des théâtres d’été et, plus largement, celui de la culture au Québec. Cette vision n’est pas étrangère au choix de la pièce Les grands soleils de Jacques Ferron comme première production. 

Le metteur en scène souhaite faire du Bois de Coulonge un lieu dédié au théâtre de répertoire, et ce, afin de rompre avec la légèreté habituelle des théâtres d’été. Déjà à ses débuts, il envisage deux ou trois productions par année. Il évoque même la possibilité de monter Auguste, Auguste, Auguste de Pavel Kohout ou une pièce de Patricia Dumas sur la Corriveau. 

Conférence de presse pour la saison théâtrale du Théâtre du Bois de Coulonge à Québec. Les documents montrent, entre autres, une affiche de la pièce de Janine Sutto et Jean-Marie Lemieux, photographe inconnu, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 1979

L’affirmation nationale de la société québécoise

Dans sa pièce Les grands soleils, Jacques Ferron n’hésite pas à mélanger esthétique et politique, et ce, dans le but d’amener le spectateur à réfléchir sur la proposition théâtrale qui lui est présentée. La pièce est consacrée à Jean-Olivier Chénier, le héros, dont la mort à la bataille de Saint-Eustache en 1837, ennoblit le peuple opprimé du Bas-Canada.  

Dans une entrevue avec le journal La Presse, le 23 juillet 1977, Jean-Marie Lemieux mentionne que, avec les évènements du 15 novembre [1976], Les grands soleils « ont pris un coup de jeune sur le plan des idées ».   

Il fait directement référence à l’arrivée au pouvoir du premier gouvernement Lévesque en 1976. La conjoncture socioéconomique houleuse de l’époque et l’élection d’un nouveau gouvernement sont en effet propices à un vent de changement. 

C’est d’ailleurs ce qui permettra au Théâtre du Bois de Coulonge de prendre racine dans un domaine qui est la propriété du gouvernement québécois.  Jean-Marie Lemieux peut notamment compter sur une subvention annuelle de 22 000$ provenant du ministère des Affaires culturelles du Québec.

René Lévesque lors de la soirée des élections du 15 novembre, Fonds La Presse, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 1976 

Une entreprise florissante et des souvenirs nombreux  

Au Théâtre du Bois de Coulonge, Jean-Marie Lemieux assume les fonctions de metteur en scène, acteur, scénographe et même surveillant de nuit, lorsque c’est nécessaire. Il en profite pour relire les classiques et préparer ses prochaines pièces.  

Au fil des ans, il présente des grands classiques européens (Molière, Shakespeare) et américains (Miller, Albee), et ce, en plus des nombreuses créations québécoises (Tremblay, Ferron, Barbeau, Laberge, Fontaine-Dubé).  

En 1981, cinq ans après ses débuts, le Théâtre du Bois de Coulonge compte à son actif 577 représentations de 15 productions différentes rejoignant ainsi 225 806 spectateurs.  

Au milieu des années 1990, l’incertitude économique et la baisse d’achalandage dans les salles bouleversent la vie théâtrale dans la ville de Québec. Plusieurs théâtres, dont celui du Bois de Coulonge, fermeront malheureusement leurs portes.  

Entre les étés 1977 et 1995, de nombreuses figures bien connues du théâtre québécois défilent sur les planches du Théâtre du Bois de Coulonge qui devient ainsi l’un des pôles les plus dynamiques de la vie culturelle de Québec.  

Par David Girard, conseiller en histoire CCNQ

Les belles-sœurs de Michel Tremblay. Mise en scène par André Brassard pour le quinzième anniversaire de la création avec les comédiennes Josée Beaulieu, Micheline Bernard, Anne-Marie Cadieux. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. 1984

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