— La Capitale insolite
Un incendie détruit la villa du Bois-de-Coulonge
Le 21 février 1966, un violent incendie détruisait la résidence vice-royale du Bois-de-Coulonge, entraînant dans la mort le lieutenant-gouverneur Paul Comtois. On l’appelait autrefois la châtellenie de Coulonge, puis Powell Place et Spencer Wood. Pendant un peu plus de 300 ans, ce magnifique endroit fut l’hôte de nombreux représentants de la royauté, dont un gouverneur de la Nouvelle-France, un gouverneur anglais, trois gouverneurs généraux du Canada-Uni et vingt et un lieutenants-gouverneurs du Québec.

La villa, incendiée à deux reprises
Le premier sinistre survient le 28 février 1860, alors que s’ouvre le parlement à Québec et que le gouverneur Edmund Walker Head s’apprête à recevoir à dîner John-A. Macdonald et Georges-Étienne Cartier. L’incendie, violent, détruit complètement la résidence de Spencer Wood. Jeté à la rue, le gouverneur Head loge quelque temps à Cataraqui. Son successeur en 1861, Stanley Monck, s’y sentira toutefois à l’étroit et fera reconstruire Spencer Wood en 1863.
Le second sinistre survient un siècle plus tard, et aura des conséquences plus tragiques. Aux premières minutes du 21 février 1966, un monstrueux incendie éclate chez le lieutenant-gouverneur Paul Comtois. Sa fille, Mireille, est tirée de sa lecture du soir par une déflagration qui semble provenir du rez-de-chaussée, où elle a elle-même ses appartements. Sortant à la hâte, elle se retrouve devant une immense boule de feu au pied de l’escalier central du hall. Les flammes se propagent rapidement. Mireille Comtois brave les flammes pour réveiller la maisonnée. Plusieurs n’ont d’autre choix que de sauter par les fenêtres, comptant sur la neige pour amortir leur chute.
Le père et la fille se retrouvent bientôt dans la suite royale, avec pour seule option de sauter, eux aussi, par la fenêtre. Paul Comtois ordonne à sa fille de s’élancer. Puis elle court alerter les pompiers, pieds nus dans la neige. Il est 12 h 06. Ceux-ci arrivent en quatre minutes, mais demeurent impuissants à circonscrire les flammes. L’ancien château vice-royal est perdu.

Plus tragique encore est l’unique décès causé par l’incendie, celui du lieutenant-gouverneur Comtois. Selon le chapelain de Bois-de-Coulonge, le père Gaudiose Labrecque, M. Comtois se serait rendu à la chapelle pour y sauver les Saintes Espèces. La légende s’empare rapidement de l’explication du père Labrecque.
Une autre histoire, moins poétique, veut que les tapis qui couvraient les couloirs de la somptueuse villa aient été nettoyés à l’aide d’un produit hautement inflammable, et qu’un mégot de cigare ait scellé le sort de l’édifice.
En plus du décès d’un homme admiré de ses concitoyens, le Québec déplore la perte d’œuvres d’art inestimables. Trente-deux tableaux et dix-neuf sculptures prêtés par le Musée du Québec partent en fumée. Les toiles sont toutes l’œuvre de peintres canadiens de la trempe de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté, d’Horatio Walker et de Clarence Gagnon. Dix-huit des dix-neuf sculptures sont signées par le sculpteur québécois Alfred Laliberté.
Au petit matin, il ne reste de la villa construite en 1863 que quelques cheminées du corps central et une section de l’aile réservée aux domestiques. Ainsi s’achevaient plus de trois cents années d’occupation du site; la villa ne fut jamais reconstruite. Aujourd’hui, une belle haie évoque son périmètre.

Depuis 1996, le parc du Bois-de-Coulonge est géré par la Commission de la capitale nationale du Québec. Vingt ans plus tard, la Commission désire marquer le 50e anniversaire de l’incendie de la villa et du décès du lieutenant-gouverneur Comtois en créant un repère commémoratif à proximité du lieu de la tragédie.