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10 objets trouvés au site archéologique Cartier-Roberval
Si ce n’est pas déjà fait, le site Cartier-Roberval situé dans le secteur de Cap-Rouge, à Québec, est un lieu à visiter pour les amateurs d’histoire et d’archéologie. Inauguré en juin 2022, ce site est érigé sur les vestiges du village fortifié fondé en 1541 par l’explorateur Jacques Cartier. Il s’agit de la première tentative d’installation d’une colonie française en Amérique.
D’importantes fouilles archéologiques ont été réalisées à la suite de la découverte de vestiges en 2005. Ce vaste chantier a permis de mettre au jour plus de 6000 objets et fragments datant pour la plupart du 16e siècle.
Archéologue de formation, Jennifer Gagné, qui est conseillère en aménagement et patrimoine à la Commission de la capitale nationale du Québec, a choisi dix objets qui représentent, à ses yeux, une découverte d’exception. Elle nous explique ce qu’ils révèlent sur les habitudes de vie des habitants de l’époque.

1-Les attaches à vêtement
Ce genre de découverte démontre bien l’importance de la minutie en archéologie. Ces attaches à vêtement en cuivre ont été trouvées dans un état de conservation impressionnant. Ces petits objets ont survécu au temps pour nous permettre de mieux comprendre une partie du mode de vie des habitants de la colonie. Les archéologues ont pu déterminer que cet artefact servait à fermer un vêtement, probablement un manteau. Les deux sections en forme de 8 étaient cousues de chaque côté du vêtement, et celle avec une chaîne permettait de le refermer. Les gens accrochaient parfois des bijoux ou des ornements sur la chaîne. Selon les archéologues qui ont étudié la collection du site Cartier-Roberval, le vêtement auquel ces attaches étaient cousues devait appartenir à une personne fortunée. En effet, à l’époque, la plupart des gens utilisaient des lacets ou des lanières de cuir pour refermer leurs vêtements.

2-La bague
Les bagues sont des artéfacts qui attirent toujours le regard. Nous en portons encore aujourd’hui et elles représentent un objet bien personnel et unique. Il est pourtant plutôt rare que les archéologues en trouvent sur les sites de fouille. Une grande quantité d’études sur ces bijoux nous permettent toutefois de bien les documenter. Cette bague de laiton est associée aux bagues porte-bonheur. Ce type de bijou est offert en gage d’amour. Les archéologues peuvent tirer cette conclusion grâce au cœur présent sur la bague. Son propriétaire était probablement de classe sociale plutôt modeste, puisque le laiton n’est pas considéré comme un métal noble. Le diamètre de la bague indique qu’elle appartenait à un homme. Grâce aux documents d’archives, nous savons aussi que ce type de bijou était importé en Amérique du Nord; ce bijou n’a donc pas été fabriqué dans la colonie.

3-Le jeton
Ce petit objet circulaire n’est pas facile à identifier au premier regard. Il faut une bonne connaissance en archéologie pour traiter ce genre d’artéfact. Le travail en laboratoire nous permet d’en apprendre davantage sur son utilité. Il s’agit ici d’un jeton commercial dit « de Nuremberg » qui était utilisé comme monnaie ou pour tenir les comptes. Ce type d’objet est très rare dans les collections archéologiques du Québec. Cette pièce est précieuse aux yeux des archéologues en raison de son niveau de conservation. Pourquoi avoir qualifié ce jeton « de Nuremberg »? Cela vient en fait de son lieu de provenance, en Allemagne. Le symbole au centre, frappé au marteau, est caractéristique des jetons fabriqués à Nuremberg avant 1541. Cet objet se rattache à l’occupation du site Cartier-Roberval pendant le Régime français, plus précisément dans la période entre 1541 et 1543. Il est fascinant de voir tout le chemin parcouru par une si petite chose.

4-Le noyau d’olive
Cet artéfact peut paraître banal au premier regard, mais ce type de découverte archéologique sur un site de fouilles en apprend énormément aux archéologues. Ce que vous voyez sur cette photo, c’est un petit noyau d’olive carbonisé. Cette découverte a permis à l’équipe d’en apprendre davantage sur différents aspects du mode de vie des habitants de cette portion du site, entre 1541 et 1543. Avec nos connaissances sur l’alimentation en Amérique du Nord et en Europe en 1540, nous savons que ce noyau est un résidu d’un aliment qui a été consommé dans la colonie, mais qui était importé d’Europe. Ces informations nous permettent de participer à la documentation des réseaux d’importation de différent pays vers l’Amérique du Nord. En plus, cet artéfact, – ainsi que d’autres de son genre découverts sur le site de fouilles –, permet de comprendre les habitudes alimentaires des habitants de l’époque. Son niveau de conservation, grâce à sa carbonisation après sa consommation, facilite la recherche archéologique en laboratoire.

5- Les os de grand pingouin
Voici l’artéfact dont j’avais le plus envie de vous parler. Ces trois petits objets, appelés dans le jargon archéologique des écofacts, sont en fait des ossements. Nous pouvons documenter ces écofacts et les comprendre grâce aux différentes disciplines scientifiques en archéologie. Les spécialistes ont pu déterminer que ces ossements appartiennent au grand pingouin, une espèce que l’on chassait aux abords du fleuve Saint-Laurent et qui a maintenant disparu. Les ossements, qui ont été blanchis par la chaleur, sont en fait des restes de repas. La viande riche en gras étant très prisée par les gens de la colonie. Il est donc normal de trouver de tels restes quelque peu carbonisés sur le site. La surchasse a toutefois mené à la disparition de cette espèce autour des années 1840. Ces écofacts sont donc très précieux pour aider à documenter l’existence du grand pingouin et pour servir d’élément de référence à différents chercheurs.

6-La clé
Cette petite clé de laiton a été découverte sur le site archéologique Cartier-Roberval dans un secteur d’occupation datant de 1541 à 1543. Elle fut fabriquée en un seul morceau, et il est possible de voir des traces de son moulage à son extrémité. Trop petite pour être une clé de porte, elle servait plutôt à ouvrir des objets, possiblement un meuble ou un coffre. Plusieurs autres clés ont été découvertes sur ce site, mais celle-ci est la mieux conservée. Les clés retrouvées à Cartier-Roberval semblent avoir en commun d’être inachevées. Alors qu’il est fréquent de voir des marques de limage à l’endroit où se trouvait la jonction du moule, celles-ci n’en ont pas. Cette particularité laisse croire aux chercheurs que la conception de ces objets n’était pas terminée. Est-ce que ces clés auraient été fabriquées sur place et de façon rudimentaire? Ont-elles été importées d’Europe avec l’idée de les compléter dans la colonie? Ces questionnements nécessitent beaucoup de recherches historiques. Les archéologues peuvent y répondre grâce aux archives, aux livres historiques ainsi qu’aux récits de voyages.

7- La coupelle
Une coupelle est un petit contenant servant à boire. Ici, cet assemblage d’artéfacts est constitué de 11 fragments qui ont été soigneusement restaurés et collés pour ainsi redonner presque la forme d’origine à l’objet, ce qui a requis un laborieux travail de la part des archéologues. Cette reconstitution peut sembler, à première vue, facile, mais il faut garder à l’esprit que ces fragments proviennent d’un site archéologique occupé entre 1541 et 1543. Les pièces ont été retrouvées dans le sol, probablement à bonne distance les unes des autres, et en présence de nombreux autres artéfacts. En laboratoire, les archéologues ont nettoyé, regroupé et documenté les pièces archéologiques découvertes lors des fouilles. Ils ont ensuite commencé un travail encore plus minutieux en recollant chacun des fragments au bon endroit pour redonner vie à cette magnifique coupelle.

8- Le dé à coudre
Le dé à coudre est un objet facilement reconnaissable puisqu’il fait partie de l’imaginaire familial de la plupart des gens. Nous avons tous vu nos parents, nos grands-parents utiliser ce petit objet au quotidien. Ce qui le rend si intéressant visuellement, à mon avis, c’est de constater qu’il n’a pas tellement changé de forme ni de fonction au fils du temps. Il faut se rappeler que ce dé à coudre provient d’un site occupé au début de 1540. Il a été utilisé pour protéger le doigt d’une femme pendant son travail de couture avec une aiguille. J’ai choisi cet artéfact pour démontrer que, même si un objet a très peu changé en presque 500 ans, il peut nous en dire long sur le mode de vie des habitants de la colonie. Le dé à coudre, fait de laiton, a été fabriqué en Europe avant d’être importé par bateau parmi différentes marchandises permettant d’améliorer les conditions de vie des habitants de la colonie, car on ne trouvait pas encore ces objets en Amérique du Nord à cette époque.

9- La pierre à feu
La pierre à feu est fabriquée dans une matière rocheuse appelée silex. Nous savons que le silex ne provient pas du Québec puisqu’on ne retrouve pas ce type de pierre dans nos sols. Cet outil a été importé d’Europe. Il sert à produire du feu soit avec un briquet ou un batte-feu. Ce même type de pierre à feu a servi plus tard de pierre à fusil sur des armes à percussion. Nous pouvons voir les marques d’utilisation sur celle-ci puisqu’elle n’a plus sa forme rectangulaire d’origine. Sa couleur est devenue grise à force d’être en contact avec des étincelles. La flamme se produit au contact du métal et de la pierre. Ce type d’artéfact démontre bien le quotidien des habitants de la colonie sur le site de Cap-Rouge. Le feu était un élément essentiel pour se chauffer, se nourrir, s’éclairer et pour bien d’autres raisons.

10- Le boulet
Cet artéfact nous amène dans une autre dimension pour comprendre le site archéologique Cartier-Roberval. Objet d’armement, ce boulet était utilisé comme munition pour bombarder une cible. Les archéologues ont pu déterminer que cette pièce d’artillerie de petite taille était utilisée à partir d’un pierrier. Le pierrier est un petit canon qui servait à l’origine à projeter des pierres, d’où son nom. Les spécialistes en archéologie ont procédé à une analyse poussée du boulet et ont pu vérifier qu’il a été utilisé plus d’une fois. À l’époque de l’occupation du fort, situé au sommet du ca Rouge, un pierrier projetait des boulets de fonte comme celui de la photo. Les documentations historiques ont permis de déterminer que ce fort était occupé, de 1541 à 1543, par les troupes de Jacques Cartier et de Jean-François de La Rocque de Roberval. C’est pour cette raison que le site se nomme maintenant le site archéologique Cartier-Roberval.
Ces textes nous donnant un aperçu de la collection du site archéologique Cartier-Roberval ont été réalisés à partir de données extraites du Répertoire du patrimoine culturel du Québec, de la plateforme Archéolab ainsi que de différents ouvrages et rapports de fouilles archéologiques.
Pour plus d’informations sur le site archéologique Cartier-Roberval et sur les activités de la Commission de la capitale nationale du Québec, consultez notre site Web.